Cette communication entend prolonger une enquête commencée de manière très intuitive et sporadique il y a dix ans, sur la diffusion internationale du modèle du grand magasin à la française entre 1870 et 1930, ces “cathédrales du commerce”, pour reprendre l’expression utilisée par Emile Zola dans son roman Au Bonheur des dames. Partant du constat que l’historiographie dédiée à ce type de programme architectural commercial se caractérisait par une production d’études par bâtiment, par ville ou, plus rarement, par pays, j’avais entrepris de confronter les conditions de possibilité de la diffusion nationale du modèle parisien à celles de sa diffusion internationale. Contrairement à un autre type architectural emblématique du Paris du XIXe siècle, le passage couvert, dont la diffusion dans la sphère hispanophone a fait récemment l’objet d’une publication collective (Daniel Hiernaux-Nicolas (dir.), Los pasajes cubiertos de Paris y su difusion mundial : España y America latina, Universidad autonoma de Sinaloa, Universidad autonoma de Queretaro, 2018), il n’existe pas, à ma connaissance, de publication équivalente pour les grands magasins. Sans avoir la prétention de combler ici, en quelques minutes, cette lacune, j’espère modestement pouvoir apporter quelques éléments et quelques pistes de réflexion pour de futures études plus systématiques. Etant donné le sujet de ce colloque, je me suis demandé dans quelle mesure les grands magasins (grandes almacenes ou tiendas departamentales en Amérique latine) participèrent de la diffusion de la culture “beaux-arts”, et plus largement de la culture française, à l’étranger, entre 1870 et 1930. Cette question principale en appelle d’autres, auxquelles je tenterai de répondre, mais pas de manière définitive, puisque cette contribution ne se veut absolument pas exhaustive. Quelle fut l’ampleur de la diffusion du modèle parisien du grand magasin à l’étranger, et quelle forme prit-elle : importation ou exportation ? Dans cette diffusion, quel fut le rôle des anciens élèves français ou étrangers de l’Ecole des beaux-arts de Paris ? Dans quelle mesure la construction des grands magasins permit-elle l’introduction d’innovations techniques ou stylistiques développées en France ? Pour les besoins du colloque, j’ai resserré mon exploration sur l’Amérique latine, sans m’interdire quelques références à l’Europe et au bassin méditerranéen, en contrepoint.

Cette étude a été grandement facilitée par des sources complémentaires, en premier lieu le dictionnaire en ligne des anciens élèves de l’école des beaux-arts de Paris, sous la direction de Marie-Laure Crosnier-Leconte, et quelques sites internet qui tentent d’inventorier la production des architectes français à l’étranger, notamment en Argentine.